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Introduction
Dans les pays européens industrialisés, près de 20% de la population rapportent la présence occasionnelle d’un acouphène. Près de 4% demandent un diagnostic plus approfondi et de 1 à 2% souffrent à tel point d’acouphène ou/et d’hyperacousie que leur qualité de vie est sévèrement affectée et qu’un traitement est requis.
L’origine de l’acouphène et de l’hyperacousie est variable et l’étiopathogénie réelle reste encore inconnue dans la plupart des cas. La démarche diagnostique, objet de la présente recommandation, doit donc être suffisamment complète pour envisager toutes les étiologies possibles et requiert bien souvent une approche multidisciplinaire. Les aspects thérapeutiques et leurs approches multidisciplinaires feront l’objet d’une seconde recommandation.
Définition et classification
Le terme « acouphène » recouvre tout son anormal ressenti dans l’oreille en l’absence de source sonore extérieure. Dans un petit nombre de cas seulement, ces sons sont également audibles pour le médecin.
L’acouphène peut être classé d’après son origine (a), sa progression temporelle (b) et ses répercussions sur le patient (c).
a) L’acouphène objectif a une source sonore physique à l’intérieur du corps du patient (comme un vaisseau sanguin); l’acouphène subjectif trouve, lui, son origine dans le traitement erroné d’informations au sein des voies auditives, en dehors de toute source sonore physique.b) L’acouphène aigu est présent depuis moins de trois mois; l’acouphène subaigu, entre trois et douze mois; et l’acouphène chronique depuis plus de douze mois.
c) L’acouphène compensé est perçu par le patient, mais n’entraîne aucun effet ou seuls quelques effets mineurs sur sa qualité de vie. Le patient peut faire face à cet acouphène. L’acouphène décompensé entraîne des effets majeurs sur la qualité de vie du patient. Le patient développe des symptômes secondaires principalement psychosomatiques. Le patient ne peut faire face à cet acouphène sans aide extérieure.
L’hyperacousie désigne ici, au sens large, toute hypersensibilité aux sons et aux bruits ayant des répercussions sur le bien-être du patient.
Démarche diagnostique
Acouphène et hyperacousie sont des symptômes présents dans diverses pathologies. L’acouphène d’origine otogénique est souvent amplifié par d’autres facteurs fonctionnels et/ou psychologiques. Toute étiologie possible doit être examinée séparément ou écartée, étant donné que les résultats des examens sont la base nécessaire à tout conseil ou traitement éventuel. Bien souvent, les explications du médecin et les résultats rassurants des tests permettront aux patients de surmonter leurs craintes. Cela pourrait permettre l’acceptation de l’acouphène sans thérapie ultérieure.
En fonction des impératifs médicaux financièrement réalisables, la démarche diagnostique ne devra pas suivre de schéma strict pour chaque patient. Elle sera, au contraire, adaptée à chaque cas individuel.
Le diagnostic mènera souvent à l’identification d’une perte auditive.
Histoire clinique
C’est sur base d’une histoire clinique approfondie qu’une série de démarches diagnostiques nécessaires seront identifiées. Cette histoire clinique permettra également d’évaluer le niveau de gravité et d’inconfort, de même que les symptômes secondaires. Il est important que le médecin consacre assez de temps à l’anamnèse (pour la plupart des patients acouphéniques ou hyperacousiques, 30 minutes semblent être un minimum). L’usage d’un questionnaire avant ou après l’entretien, ou comme support pour le médecin pendant l’entretien, peut s’avérer utile, mais ne peut jamais remplacer ou réduire le temps consacré à l’échange personnalisé.
Pendant l’entretien, les thèmes suivants sont particulièrement importants :
· Persistance de l’acouphène/hyperacousie (évolution dans le temps).
· Facteurs extérieurs influençant l’acouphène /hyperacousie.
· Pathologies associées/problèmes médicaux en rapport avec l’acouphène/hyperacousie ou non.
· Conséquences physiques et psychologiques sur le bien-être du patient.
Démarche diagnostique nécessaire (à réaliser une fois au minimum)
· Examen ORL comprenant une tympanoscopie, une endoscopie nasale.
· Evaluation de la fonction tubaire.
· Auscultation des carotides, des artères vertébrales et de l’entrée du conduit auditif lorsque l’acouphène est pulsatile.
· Audiométrie tonale ( AC et BC), audiométrie vocale.
· Seuil d’inconfort (LDL).
· Evaluation de la sonie de l’acouphène avec un bruit en bande étroite et évaluation de sa fréquence avec des sons purs.
· Evaluation du seuil minimal de « masking » avec un son en bande large et en bande étroite.
· Tympanométrie et recherche des réflexes stapédiens avec enregistrement d’éventuelles modifications dans la respiration et les pulsations.
· OAE (otoémissions).
· BERA (potentiels évoqués).
· Evaluation de la fonction vestibulaire, épreuves caloriques y compris.
· Examen manuel du cou, recherche de troubles fonctionnels.
· Examen de la dentition et de la mâchoire.
· Evaluation de la sévérité de l’acouphène/hyperacousie, ainsi que des symptômes secondaires éventuels, par une quantification du niveau d’inconfort grâce à un questionnaire standardisé ou un entretien structuré, combinée si nécessaire à une balance visuelle numérique ou analogique. (Elle peut aussi être utilisée pour contrôler les progrès du traitement).
· Tous les tests qui requièrent des sons forts (impedance audiometrie, BERA, audiométrie vocale) devront être utilisés avec précaution, au risque d’endommager davantage l’oreille interne.
Utile dans certains cas
Après analyse des résultats de l’histoire clinique et des examens de base, une évaluation supplémentaire et/ou un examen psychologique pourront être nécessaires :
1. Examens médicaux tels que :
Un examen orthodontique (s’il existe une atteinte de la machoire), une échographie des vaisseaux du cou, une angiographie du système vasculaire cérébral, un scanner des rochers, une IRM du cerveau et de la fosse postérieure, un check-up global; de même qu’une biologie avec recherche de bactéries ou virus neurotropes, désordres du système immunitaire, désordres métaboliques, désordres hématologiques.
2. Examen psychologique :
Un examen psychologique devrait être envisagé lorsque les réponses aux questions suivantes sont positives : « L’acouphène est-il dérangeant? » ou « L’acouphène vous incommode-t-il pendant la journée et est-il présent en permanence? ». (Il n’est pas recommandé lorsque le patient n’est que peu dérangé par l’acouphène au cours de la journée ou qu’il s’en aperçoit uniquement dans le silence et lorsque le niveau d’inconfort est faible). Le bilan psychologique est crucial pour diagnostiquer les pathologies associées à l’acouphène chronique décompensé. Ce bilan devrait particulièrement tenir compte des pathologies actuelles du patient directement liées à son acouphène, ce qui aboutira rarement sur une psychanalyse. L’évaluation psychologique sera réservée à un psychologue entraîné au diagnostic de l’acouphène et à sa prise en charge. Dans certains cas individuels, ce diagnostic pourra entraîner une psychothérapie.
Bibliographie :
1. Lenarz T. : Leitlinie Tinnitus der Dt. Ges. F. Hals-Nasen-Ohren-Heilkunde, Kopf-und Hals-Chirurgie, Konsensuspaper im Auftrag des Präsidiums. HNO Informationen 2, 40-45, (1999)
2. Pilgramm M., Rychalik R. et al : Tinnitus in der Bundesrepublik Deutschland-Eine repräsentative epidemiologische Studie. HNO-Aktuell 7 ; 261-265 (1999)
3. Royal National Institute for Deaf People (RNID) factsheet, Statistics on deafness ; RNID Helpline, PO Box 16464, London EC1Y8TT
Ces structures contribuent en tout ou en partie à la détection de la présence des stimuli acoustiques, aux fonctions de discrimination, c.à.d. à la détection de leurs variations d’ intensité et de fréquence, à la résolution de leur profil temporel et enfin à leur analyse spectrale.
Malgré la normalité de cette évaluation, certains sujets présentent néanmoins des difficultés d’écoute et d’intelligibilité. De telles difficultés peuvent être la conséquence de désordres concernant notamment les fonctions cognitives, l’attention et la mémoire dans leurs complexités respectives, mais aussi les fonctions assurées par les structures centrales de l’audition. On réserve à ces dernières le terme de ‘Processus Auditifs Centraux’ (CAP) pour Central Auditory Processes et celui de ‘Déficit des Processus Auditifs Centraux’ (CAPD) pour Central Auditory Processing Disorders aux tableaux qui peuvent résulter de leurs dysfonctions.
Sans exclusion, les processus auditifs centraux correspondent aux mécanismes neurologiques responsables des fonctions suivantes : les différentes formes d’interaction binaurale telles que la localisation, la latéralisation et la fusion binaurale ; la discrimination phonémique ; la reconnaissance des formes temporelles de l’audition comme la détection des variations de fréquence, d’amplitude, de durée, de forme et de configuration des stimulations acoustiques ; la détection des intervalles de temps séparant deux stimulations ; l’effet de masque temporel ; l’intégration temporelle ; la reconnaissance de l’ordre temporel ; les performances auditives en présence de signaux acoustiques présentés en compétition ou de manière dégradée.
Un Déficit des Processus Auditifs Centraux est un déficit d’une ou plusieurs des fonctions ainsi répertoriées, considérées comme spécifiques (dédicacées) de l’audition. Dans sa forme pûre, il devrait être conçu comme un défaut de traitement du signal auditif : ‘Déficit des Processus Auditifs’ (APD) pour Auditory Processing Disorders. Néanmoins des symptômes comparables peuvent se manifester à l’occasion de troubles non spécifiques (non dédicacés) susceptibles d’affecter la généralité des performances. Les facultés intellectuelles, les processus cognitifs supérieurs, les niveaux d’apprentissage, le degré d’immersion linguistique, les facultés de mémoire, d’attention et de motivation sont à prendre en compte dans l’évaluation des déficits des Processus Auditifs Centraux : cAPD pour (central) Auditory Processsing Disorders !
Cette définition soulève la possibilité d’une interaction entre des troubles relevant de deux mécanismes : le traitement spécifique des informations acoustiques et des processus non spécifiques. La mise en œuvre de ces derniers dans le traitement auditif central rend compte de l’association clinique fréquente entre altération des processus auditifs centraux et retard de la parole et du langage, difficulté d’apprentissage, trouble de l’attention et/ou hyperactivité, problèmes psychologique, émotionnel et sociaux.
Les épreuves de la fonction auditive centrale peuvent se classer de plusieurs manières : tests monotiques, diotiques, dichotiques, tests verbaux ou non verbaux. Puisque les résultats de tests verbaux avec signification peuvent dépendre de processus non spécifiques à la fonction auditive centrale stricte, des épreuves constituées de stimulations tonales, de bruits et de phonèmes devraient être avantagées.
Une batterie d’évaluation de la fonction auditive centrale devrait être constituée au minimum :
· de tests de discrimination d’intensité, de fréquence et de phonèmes ;
· de tests de résolution temporelle (p.e. gap detection) ;
· de tests vocaux à faible redondance (p.e. épreuve vocale dans le bruit, voix filtrée, comprimée, ralentie, interrompue ou en réverbération) ;
· de tests dichotiques ;
· de tests de reconnaissance de formes ou de configuration temporelles ;
· de tests d’interaction binaurale.
Du fait de l’interaction possible entre dysfonctions spécifiques et non spécifiques des processus auditifs centraux, il est recommandé de procéder à l’évaluation du quotient intellectuel, des niveaux du développement cognitif, de la parole et du langage, des facultés de mémoire et d’attention, d’un bilan psychologique. Une approche multidisciplinaire est donc indispensable.
Toute épreuve d’évaluation spécifique ou non spécifique des processus auditifs centraux ne peuvent en aucun cas être utilisée dans des programmes de réhabilitation.
Annexe 1 : CAPD Manifestations
Cette recommandation, après avoir été soumise aux comités nationaux, a été approuvée par l’Assemblée Générale du BIAP en mai 2007 à Rhodes (Grèce).
Cette recommandation est basée sur une collaboration multidisciplinaire.
Président de la commission : DEMANEZ Jean-Pierre (Belgique)
Vice Présidents : DRACH Manfred (Allemagne) et BOUCCARA Didier (France)
Membres : DELAROCHE Monique (France) ; DEMANEZ Laurent (Belgique) ; ENDERLE-AMMOUR Ahsen (Allemagne) ; Fagnoul François (Belgique) ; HERMAN Nadine (Belgique) ; KUPHAL Frank (Allemagne) ; LHUSSIER Thérèse (Belgique) ; LUX-WELLENDOF Gabriele (Allemagne) ; MARTIAT Benoît (Belgique) ; MELIS Nelly (France) ; PIRSON Sabine (Belgique) ; RENGLET Thierry (Belgique) ; SAMAIN Philippe (Belgique) ; SCHRAM Ghislaine (Suisse) ; TARABBO Antoine (France) ; VERHEYDEN Patrick (Belgique) ; WIESNER Thomas (Allemagne).